La musique funèbre maçonnique en do mineur K 477 (K6 479a) (Maurerische Trauermusik) fut composée par W. A. Mozart à Vienne en novembre 1785, pour la mort de deux franc-maçons, le duc Georg August von Meklenburg-Strelitz et le comte Franz Esterhazy von Galantha.

Organique: 2 hautbois; clarinette; cor de basset; contrebasson; 2 cors (ou 2 cors de basset); cordes (violons 1 et 2; altos; violoncelles; contrebasses).

Le texte est tiré du livre biblique des Lamentations (Lamentationes Ieremiae), chap. 3, versets 15 et 54. Attribué à Jérémie par le Septante et dans la Vulgata de st. Jérôme (la traduction latine de la Bible utilisé par Mozart), ce livre ne peut pas en réalité lui être attribué, même s’il est de son époque. Il a été écrit en Palestine tout de suite après la prise de Jérusalem et la destruction du Temple par Nabuchodonosor en 587. Il se trouve tout de suite après le livre de Jérémie dans la Vulgata et dans les Bibles chrétiennes ; après Qohéleth dans la Bible hébraïque et dans la traduction œcuménique. Il est écrit dans le genre des lamentations funèbres. Celle du chapitre 3 est une lamentation individuelle. Au cours de plusieurs siècles, jusqu’à la réforme liturgique de Vatican II, la lecture des Lamentations a été proposée, dans la tradition chrétienne, pendant la Semaine Sainte, dans l’office nocturne du bréviaire, comme lamentation des chrétiens pour la passion de Jésus.

Voici la traduction de deux versets mis en musique par Mozart :

3, 15 : replévit me amaritúdinibus inebriávit me absínthio (Vulgata) ; Il me sature d’amertumes, il me soûle d’absinthe (trad. œcuménique TOB 1994).

3, 54 : inundavérunt áquae súper cáput méum díxi périi (Vulgata) ; les eaux débordent sur ma tête ; je dis : Je suis perdu ! (trad. œcuménique TOB 1994).

Le sujet de la religiosité de Mozart, et du rapport entre son catholicisme et son adhésion à la maçonnerie, est délicat. Je rappelle seulement que la bulle papale de Clément XII (23 avril 1738), qui condamnait la maçonnerie et interdisait aux catholiques d’y appartenir, n’avait pas été promulguée par Marie-Thérèse d’Autriche ni par son fils Joseph II. Dans l’empire d’Autriche il y avait de nombreux prêtres et même des dignitaires de l’église qui étaient maçons, et il existait des livres de prières destinés aux loges viennoises de l’époque, et édités par elles (voir à ce sujet, en français, le livre de Carl De Nys, La musique religieuse de Mozart, Paris, P. U. F. (coll. Que Sais-je ?), 1982).

Quant à l’interprétation précise de notre texte, il peut être lu en clé parfaitement orthodoxe. Le moment de la mort est celui de l’identification à l’« homme des douleurs », le Christ, et à sa mort sur la croix (3, 15) et les eaux auxquelles est faite allusion (3, 54) sont encore, bibliquement, un signe de mort. En même temps, l’immersion dans l’amertume et dans la mort, est un passage nécessaire qui mène au-delà de la mort, comme l’indique, signe d’Espérance, la tierce majeure sur laquelle la composition s’achève.

Luca Badini Confalonieri